Juillet 1944 - Histoire de Robert Roche

 

Mon grand père, Robert ROCHE, nous a raconté ce juillet 1944 ...
son récit a été repris dans le livre de
J. La Picirella - "Témoignages sur le vercors"

Extrait du récit

"Le débarquement du 6 juin ayant interrompu tous les services assurés par l'entreprise Glénat, de Pont en Royans (38), chauffeur de car, je gagnais avec mon véhicule La chapelle en Vercors. affecté aussitôt au service auto du capitaine Geyer (Thivollet) je fus chargé avec René Collomb qui avait également rejoint son véhicule, d'effectuer divers transports. Au début je fis plusieurs voyages vers Herbouilly afin d'assurer la relève des camarades en position sur le Pas, puis avec Collomb, nous transportâmes en refort dans le Diois des Tirailleurs sénégalais libérés à Lyon. J'assurais également les navettes Vassieurs-Rencurel.

"Le 20 juillet au soir, j'eus pour mission de me rendre à Vassieux avec un camion et de me mettre à la disposition du capitaine Tournissa (Paquebot) et de M. Boiron, afin de participer à l'aménagement du terrain d'aviation. C'est ainsi que le 21 au matin, jour de l'attaque, je me trouvais à Vassieux en compagnie de Hermine Carniel et Charles Philibert, lorsque nous fûmes attaqués vers 8 h par les troupes aéroportées allemandes."

"Ne possédant aucune arme, nous tentâmes de quitter le village mais mon camarade C. Philibert, 33 ans, parti le premier fut tué aussitôt. A mon tour, je m'élançais vers le Nord du village avec l'espoir d'atteindre par le Col de Lachaux la forêt de Lente. Pris sous le feu des mitrailleuses ennemies, j'avais réussi à traverser les champs séparant le village des bois, lorsqu'à quelques mètres du premier bosquet une balle me traversa la cheville droite. En rampant, je m'y réfugiai et là devant moi, je vis brûler et bombarder le petit hameau de Jossaud. Dès la nuis venue, en me traînant, je pus atteindre une petite masure repérée dans la journée et dans laquelle se trouvait déjà un brave homme, le père Elie Fermond, 56 ans qui me céda son matelas et me coucha dessus.

Le lendemain, MMe Garagnon dont le mari fut tué avec d'autres hommes, à quelques pas de nous, sur la route (D76) menant au col de Lachaux, MMe Guillet et d'autres personnes, dont je me souviens plus des noms, vinrent se joindre à nous. Mais ces 4 personnes ne se sentant pas en sécurité dans cet abri, nous quittèrent et finalement au troisième jour, nous n'étions plus que trois.

28 juillet 1944 - "ce soir là, une patrouille ennemie frappe à la porte...que fallait il faire, je pouvais pas marcher. Un allemant s'avança vers moi et me dit : - Maquis ? - je lui répondis : non." -"Le soldat âgé d'une quarantaine d'années et qui semblait être sous officier n'insista pas. Le père Fermond soulagé, lui offrit un verre de vin et l'Allemand qui parlait un peu le français nous déclara que son unité était en occupation à Grenoble. Puis il partit, sans nous demander aucun papier d'identité. Il revint quelques instants plus tard nous apporter du pain, jambon, ainsi qu'une chèvre pour le lait. Par la suite cet Allemand vint nous rendre visite presque tous les jours et j'en profitais pour lui demander de me faire évacuer sur un hôpital, car mon pied enflé et plein de vers m'inquiétait. Malheureusement il ne pouvait pas en informer ses supérieurs car ceux ci m'auraient aussitôt fait abattre".

"Un soir un médecin allemand, alerté par des civils fit irruption dans notre masure : vous êtes de l'Armée secrête ? me lança t'il dans un pur français sans accent. Non, lui dis je. Vous mentez ! à son tour. Je lui expliquais que j'étais un civil venu rendre visite à des parents habitant Vassieux. L'officier me lança un dernier regard, puis repartir sans me soigner. Le soir même, vers 23 h, le brave sous officier m'apporta un tube de pommade qu'il avait réussi à se procurer et me recommanda de le cacher et de n'en souffler mot à personne, car si ses supérieurs venaient à l'apprendre, il serait aussitôt fusillé." - "Bléssé le 21 juillet au matin, mon calvaire dura 21 jours et la gangrène se serait sans doute déclarée, si le brave allemant se repliant précipitamment avec son unité, n'avait alerté au passage le boulanger de St Martin en Vercors.

En effet, traversant le village, il se rendit chez m. Gilhard et lui demanda d'aller recueillir de toute urgence un blessé grièvement atteint. Afin de faciliter la recherche, l'Allemand fit au boulanger un croquis des lieux et c'est ainsi que le lendemain, je vis arriver une ambulance de la Croix Rouge de Valence, qui me transféra sur l'hôpital de Romans où je fus aussitôt amputé.